carnet AFR / SPEAP – intervention dans le cadre des journées thématiques de l'AFR, 20 et 21 octobre 2011 |
Quelles sont les écritures susceptibles de porter à leur terme les effets heuristiques de telle ou telle posture investigatrice ? Quel récit se trouve être en mesure, chaque fois, de faire passer l’urgence, l’émotion, l’événement en acte ou bien encore l’équivocité du fait social, son caractère antinomique, sa touffeur multidimensionnelle, son infinie complexité ? Quel récit est susceptible de dire l’implication, la provocation du sujet par l’objet (ou de celui-ci par l’autre), l’affrontement, le malentendu, la blessure ? Quel récit, enfin, s’avère être capable de mouvoir le regard de celui qui questionne et, par contrecoup, de celui qui déchiffre ce questionnement ?
Une expérimentation des arts politiques pour une expérience d’habitat pour usagers de drogues Pourquoi un hébergement pour des usagers de drogue nous concerne-t-il ? Quand Lionel Sayag, de l’association Proses (Prévention des risques liés aux usages de drogues), est venu nous voir, dans notre « salle de classe », à Sciences Po Ecole des Arts Politiques (SPEAP), il avait en tête un projet de construction d’hébergement temporaire pour usagers de drogue « actifs », un allié, l’architecte Julien Beller, une pratique aguerrie de la réduction des risques, et une foule de questions concernant la réalisation de son idée. C’est à une clarification de ces questions que nous nous sommes d’abord attelés ensemble : quelles modalités d’accompagnement ? quel terrain ? quel groupe d’usagers à qui l’habitat sera destiné ? Comment arriver à une première esquisse des plans d’architecture et une analyse de la faisabilité du projet ? Nous, c’est un groupe de quatre personnes qui ont choisi de travailler sur ce projet : une sociologue (Claire Duport), un cartographe (Axel Meunier), un artiste (Yves Mettler) et une juriste (Géraldine Tronca). Nous ne sommes pas des spécialistes de la réduction des risques, de l’architecture ou de la coordination de projet ; pas un bureau d’études. Mais, à SPEAP, nous cherchons à « composer un monde commun » ; composer avec des représentations du monde –que nous apportent les artistes- et de l’enquête scientifique, pour résoudre des problèmes, les élever en causes publiques. Ainsi, nous avons travaillé à reformuler la commande vers une série d’enquêtes-oeuvres sur les traces de la problématique de la visibilité : que verra-t-on de ce projet dans l’espace public, géographique et politique, de la ville ? Comment travailler sur les formes de mise en visibilité qui traversent les pratiques de la réduction des risques et de transformation urbaine ? Nous avons alors procédé à une cartographie des terrains d’intérêt pour le projet d’hébergement à Saint-Denis, à une recherche sur les formes juridiques adaptées/à adapter par rapport à l’échelle du projet, à une collection d’autres projets d’architecture, à une enquête sur des pratiques qui tendent à associer de façon expérimentale des communautés et l’espace urbain, à recenser et rencontrer des acteurs de terrain. Nous avons apporté de l’extérieur et, en essayant de trouver une prise sur le projet à partir des intérêts généraux avec lesquels nous sommes arrivés (auto-construction/habitat modulaire, hébergement social des « drogués » et réduction des risques, articulation entre pratiques expertes et engagements militants, plus généralement habiter doit-il se conjuguer au pluriel : des « habiter-s » différents?), nous avons été amenés à explorer des questions sous-tendues par la démarche de Lionel, à chercher des manières transversales de les représenter qui pourraient être aussi des outils pour d’autres. La progression que nous avons élaborée au cours de cette année de travail sur ce projet nous a menée à relier la question de l’hébergement de publics spécifiques à celle de l’habitat en général, rejoignant ainsi notre préoccupation pour le contexte local et sa modification : elle est plus qu’une opération de généralisation. Ou plutôt cette généralisation elle-même pose problème. Selon nous, l’opération de généralisation (ou plutôt de montée en généralité) d’une expérience singulière, ne peut être menée à bien en s’affranchissant des non-humains -contraintes, idéologies, lois, rapports de pouvoir, financement, etc.-, mais en trouvant des formes possibles à la composition d’un monde commun, toujours à venir. Carnet de notes, mode d’emploi Ce que nous vous suggérons à partir de cet objet, c’est une expérience d’écriture. Une des compétences que vous avez (qu’ont les participants d’un événement tel qu’un colloque, des rencontres professionnelles ou tout moment de travail et de réflexion collective), c’est le recours à la prise de notes. Elle est (en général) totalement libre. Elle est une des possibilités de créer un espace de mémoire, de critique, et de pensée. Dans ce carnet de vos notes, nous avons inclus des données rapportées de nos enquêtes et des réflexions élaborées au cours de cette année de travail sur le projet d’habitat de Proses : images, textes, cartographies, idées, rebonds… |
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